Pourquoi le chien ne parle plus !
En ce temps là, le Bon Dieu descendait encore assez souvent sur la terre où habitait sa mère, la Sainte Vierge. Il profitait de son passage pour voir et contrôler un peu ce qui s’y passait. On l’aurait pris d’ailleurs pour n’importe quel béké (blanc créole) parce qu’il s’habillait comme eux : costume blanc bien empesé et bien repassé, casque colonial ou panama relevé par derrière.
Il prenait même parfois une canne à la main…Mais c’était, vous vous en doutez, une canne magique, qui lui apprenait tout ce qu’il désirait savoir. Il n’avait qu’à lui poser une question, et le bâton lui répondait.
Un jour, il se promenait du côté de la plage avec son chien, son plus fidèle compagnon, sur les talons…Il faut que je vous dise qu’à cette époque, les chiens parlaient…Donc, ils se promenaient tous les deux près de la plage, où les canots de pêcheurs, des gommiers pirogues juchés sur des rondins de bois et recouverts de feuilles sèches de cocotiers, attendaient, bien rangés, un départ pour la pêche.
Le Bon Dieu s’arrêta pour admirer un homme en train de couper un arbre énorme : Il s’agissait d’un fromager qui devait être
très vieux, car il avait un tronc colossal et ses branches touchaient le ciel. Le Bond Dieu considéra l’homme et se dit qu’il était très courageux pour s’attaquer à un tel morceau, d’autant plus que cet arbre avait la réputation d’être hanté par le Diable.
S’approchant de lui, il lui dit :Bonjour, mon fils, c’est un bien bel arbre que vous coupez là ! Dans combien de temps pensez vous que vous l’aure abattu ?
Demain, répondit l’homme sèchement.
Le Bond Dieu s’en alla un peu surpris …Quelques temps après, il siffla son chien et tous deux partirent en promenade. Le ciel était clair, la mer belle… Alors, reprenant le chemin de la plage, ils passèrent près de l’homme qui, la hache à la main, tentait toujours d’abattre son arbre.
Il ne l’avait guère entamé, et ses branches étaient toujours aussi belles, aussi vivantes, garnies de feuilles qui chantaient et frissonnaient au passage du vent. Le Bon Dieu ne put s’empêcher de lui dire en passant :
Courage, mon ami, courage … Quand comptez vous achever ce travail ?
Bientôt, cher monsieur. J’espère bien que les zombis ne me gêneront pas !!
Le Bond Dieu considéra l’homme. Il était beau, avec une belle couleur acajou… La sueur qui sortait de tous ses pores le faisait briller au soleil comme du métal. Chaque coup de hache faisait jouer ses muscles avec une étonnante souplesse. Alors il pensa que l’homme et aussi l’arbre étaient de belles réussites. Et il sourit…
Cependant, en s’en allant il hochait la tête, comme quelqu’un qui a une arrière pensée. Un peu plus loin, il fit la réflexion suivante, à haute voix :
Cet homme parle de zombis… Est-ce que ça entre en ligne de compte vraiment ? Moi, je dis qu’il est trop orgueilleux et que ça le perdra… Il n’aurait qu’à dire : « S’il plait à Dieu » et tout marcherait pour lui comme sur des roulettes…
Trois jours plus tard, le Bon Dieu, levé de bonne heure, parti pour aller jouir de la fraîcheur du matin. Son chien le suivit comme d’habitude et ils se dirigèrent vers la plage… L’Homme était déjà au travail, suant malgré l’heure matinale. Comme les autres jours, le Bon Dieu s’arrêta pour lui parler : Bonjour mon ami, comment ça va ? Votre travail avance t-il un peu ?
Ah Monsieur, répondit l’homme, je pense que ce sera pour bientôt, s’il plait à Dieu. Le Bon Dieu surpris ne put que dire : Qu’il en soit ainsi mon fils.
Puis, après un salut, il partit, suivi de son chien qui frétillait de la queue… Mais en route il réfléchit…Tout à coup, il porta le bâton magique à son oreille. Ensuite il appela le chien et lui dit :Toi, tu as parlé à cet homme ! Tu lui as répété tout ce que j’avais dit l’autre jour !
Non, mon maître, je n’ai rien dit !
Avec ça tu es menteur ! Tu mériterais que je t’assomme avec ce bâton, mais je te punirai d’une autre façon : A partir d’aujourd’hui tu perdras la parole ! Tu ne seras plus tenté d’aller répéter ce que tu entendras.
C’est depuis ce jour là que le chien ne peut que dire : Ouah, ouah, ouah !..
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