Gran Z’ongle, le grand quimboiseur et terreur de la Martinique
Il fut un temps, vous pouviez vous promener tranquillement au centre ville de Fort de France afin de sentir toutes les saveurs de notre île et subitement sentir une angoisse saisissante. Les volets se ferment, les rideaux baissent flap!! les chiens errants et les habitants commencent à presser le pas, comme si un petit diable courait derrière eux.
Sachez que ce n’était pas un simple un petit diable mais le grand serviteur du Mal, Gran Z’oncle. C’était le plus grand quimboiseur de la Martinique, tellement puissant qu’il pouvait terrasser d’un regard un passant, rendre fou n’importe quel adversaire politique, et pleins d’autre choses selon les martiniquais. Sa réputation fut tellement grande, qu’elle a envahi toutes les îles de l’archipel et traversa l’Océan.
Même si il n’était pas très catholique et pratiquait les plus grandes diableries, il est devenu une figure historique récurrente dans la littérature martiniquaise. En effet figure historique dans les romans de Raphaël Confiant et de Patrick Chamoiseau, il pouvait exterminer les zombis les plus récalcitrants.
Grand quimboiseur ou le plus grand arnaqueur? Tellement d’histoire sur cet homme, qu’il mérite une petite ligne dans notre Histoire.
Ce soir le diable viendra te prendre
Ce soir le diable viendra te prendre est le titre du livre écrit par Maurice Mésségué et André Gayot (en 1968) qui retrace leurs enquêtes sur les quimboiseurs des Petites Antilles. En s’appuyant sur des preuves tangibles:
Pour extraordinaires qu’elles paraissent, les histoires rapportées dans ce livre ne relèvent en rien de la fiction. Nous les avons recueillies, Maurice Mésségué et moi, à la Martinique et à la Guadeloupe.
Les sources de notre documentation en garantissent l’authenticité: nous l’avons puisée dans des rapports et procès-verbaux, documents détenus par la police, archives des tribunaux, constats d’assurances, analyses médicales. Nous avons interrogé des dizaines de personnes, acteurs ou témoins….
Ce qui va suivre est l’enquête du guérisseur Mésségué et Gayot le septique, qui n’hésite pas à donner son avis critiques sur les superstitions de nos îles. Mais reconnait également que certaines choses sont inexplicables.
Le mystérieux suicide
Dans la foule qui piétinait devant l’immeuble en béton à deux étages, le seul de la rue, on entendait chuchoter: “C’est parce qu’il n’avait pas son bâton que le diable est venu le prendre”.
Ils étaient là des milliers, silencieux, presque recueillis devant la maison d’un mort. La police, quelques heures auparavant Faustin Homat, pendu dans sa salle de bains. Celui que toute la Martinique appelait Gran Zongle se balançait au bout d’une corde qu’il avait lui-même tissée avec sept cravates de couleurs et tissus différents.
Gran Zongle avait atteint la consécration suprême de son vivant: on disait de lui qu’il était le plus grand sorcier de toute l’île. Le reporter du journal local qui rendit compte de son décès, le 22 février 1965, n’hésita pas à écrire: ” Toute entreprise menée par Gran Zongle durant sa vie fut une réussite”.
Une réussite telle qu’on attendait encore de lui quelque miracle, et peut être même qu’il ressuscitât. En tout cas, on ne voulait pas admettre qu’un être aussi exceptionnel ait pu mourir de cette façon. Et l’on venait là, avec l’espoir de voir au moins le cadavre pour pouvoir croire à ce trépas insolite parce que trop banal.
Il était difficile d’accepter l’idée que Gran Zongle ait pu et voulu renoncer à la vie. Et un parent qui se trouvait là dit gravement: Je le connaissais bien. Il avait signé un pacte avec le diable. Mais il souffrait trop. Il a préféré lui échapper et comparaître devant le grand juge.
Nul ne saura jamais si le démon était venu réclamer son dû, comme certains le disaient, ni ce qui a poussé “Gran Zongle” à laisser près de son corps la confession écrite la plus laconique et la plus extraordinaire qui soit: “J’ai fait du mal à 402 personnes et je le regrette. J’implore le pardon de ceux qui ne m’aimait pas”.
Était-ce une dernière mise en scène pour réussir son ultime sortie ou le remords avait-il acculé au suicide cet homme qui avait passé sa vie à faire le mal? Outre la curiosité, c’était l’admiration qui poussait la foule devant la maison du sorcier. Il avait fait peur; il faisait encore frémir. On était bien persuadé que les 402 victimes n’avaient rien d’imaginaire.
Faustin Homat
Il se présentait assez conventionnellement sous l’aspect d’un vieillard corpulent, toujours tiré à quatre épingles; une canne à pommeau d’argent glissée sous le bras. Il marchait d’un pas étudié, s’arrêtant pour balayer la rue d’un regard circulaire qui faisait fuir les passants. On lui cédait le trottoir. D’un geste théâtral, il extrayait de son gilet un oignon d’argent dont il tirait la longue chaîne aussi loin qu’il pouvait avant de le remettre en place précautionnement.
Quelque fois, on le voyait avancer, le regard absent, laissant filer de son poing fermé des grains de maïs dans une casserole. Les enfants fuyaient et les voisins, barricadés chez eux, l’observaient inquiets derrières leurs jalousies. De ses mains, le sorcier traçait dans l’air des signes étranges qui fascinaient ceux qui le guettaient.
Les ongles de mandarin qui lui avaient valu son surnom soulignaient l’effet de ses gestes incantatoires. La soixantaine passée, Faustin Homat, riche, craint, et peut être même considéré, prenait plaisir au spectacle qu’il offrait de sa propre puissance.
Le début et la richesse
Sa vie pourtant n’avait pas très bien commencé. Au Gros-Morne où il était né, il avait tué un homme. Il écopa cinq ans de prison ferme, ce fut ce qui décida de sa carrière.
Durant son séjour, il y rencontra des sorciers qui purgeait leur peine pour exercice illégal de la médecine. Il écouta leurs confidences et muni de son bagage criminel qu’il avait pu recueillir, il se fixa à Fort de France au lieu de retourner dans son village natal où l’on ne voulait plus de lui.
Il sut fort bien se servir de sa réputation inquiétante pour faire aboutir les affaires de ses clients. Très vite on apprit que ceux à qui s’attaquait Gran Z’ongle ne faisaient pas long feu. Ses maléfices étaient d’autant plus redoutables qu’il les jetait sans oublier de rappeler ses lettres de noblesse dans le crime. Ce fut rapidement la fortune et la gloire. On faisait la queue chez lui et l’on dit que plus d’une personnalité s’en vint le trouver à la nuit tombée.
On n’aimait pas trop se montrer en sa compagnie, car tout le monde savait que Gran Zongle n’appartenait pas à la catégorie des petits quimboiseurs de quartier qui distribuaient des infusions, des pommades et des incantations peu efficaces. Quand on allait chez lui, c’était pour les grandes affaires. Du moins, on le disait et le sorcier laissait courir volontiers une rumeur qui servait si bien ses intérêts.
Un arnaqueur?
Plusieurs témoignages attestent que dans le bureau du commissaire, le terrifiant quimboiseur se transformait en un simple individu qui atteste qu’il n’est pas ce que les gens disent.
“On veut croire que je suis méchant mais ce n’est pas vrai”.
Entourloupe? ou véritable aveu ?
Pourtant à la Martinique, un homme semble douter des pouvoirs du quimboiseur. Cet homme en colère décida même de porter plainte au contre Gran Zongle au commissariat pour escroquerie. Tellement contrarié qu’il confessa aux hommes de l’ordre, qu’il avait solliciter le sorcier pour tuer son ennemie en moins d’un mois. Mais malheureusement son ennemi est toujours debout et vaillant, la quimboiseur ne respectant pas le contrat il décida de porter plainte contre lui.
Ce n’était pas de l’humour noir. Le plaignant venait bel et bien demander à la police en toute naïveté, d’obliger un sorcier à tuer ou à la rigueur à restituer l’argent , le salaire du crime, sans se douter qu’il était devenu un assassin en puissance par personne interposée.
Grand arnaqueur ou Grand méchant sorcier? Je tiens tout de même à souligner qu’il existe des quimboiseurs aux mains propres qui rendent hommage aux enseignements des anciens esclaves. Qui ne fréquentent pas le Malin comme la plupart des gens pensent. En effet comme toutes personnes en ce bas monde, nous pouvons faire le bien comme le mal.
Lors de son enterrement, des milliers d’hommes et de femmes, aussi émerveillés que tremblants, assistèrent à ses obsèques, peut être pour voir le diable prendre le deuil.
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