Le Bondieu Mariyan
Antan lontan, aux alentours de l’anse Couleuvre, les pêcheurs considèreraient comme une faute grave de ne pas rejeter à l’eau, et surtout de faire cuire, un beau poisson blanc fileté d’or qu’ils appellent le bon Dieu Mariyan. Après quelques recherches, j’ai retrouvé un conte de notre enfance qui retrace l’origine du bon Dieu Mariyan selon notre imaginaire collectif.
Dans cette mer vivait un petit poisson. On le nommait Mariyan Tètfè. Son nom véritable était Mariyan, Tètfè n’étant qu’un surnom. D’ailleurs, si depuis, tous les mariyans traînent ce sobriquet, c’est à cause de lui.
Il vivait comme tous les poissons dans la mer, affectionnant plutôt la zone des récifs, refuge facile gueules ouvertes. Donc Mariyan Tètfè ne s’aventurait guère au-delà du seuil de sa maison.
Chaque matin, chaque soir Père et Mère lui répétaient ces mots:
–Fils! Dis-moi le piège de la mer?
-C’est la nasse, Père, c’est la nasse, Mère!
Et pourtant, le sens de ce discours lui échappait totalement. Cela lui entrait par une oreille et sortait par l’autre. Avait-il seulement jamais entendu? Insouciant, il s’éloignait bien vite.u
Un jour alors qu’il se promenait, il vit un objet métallique. Notre explorateur découvrit enfin un passage et s’y engouffra. C’était là l’ouverture. Une sorte d’entonnoir qui se prolongeait jusqu’au ventre de la boîte en un corridor sinueux. Ce corridor, lui-même après un virage aboutissait au-dessus d’une salle bourrée de nourriture. L’affaire était dans le sac. Mariyan Tètfè!
La femme du pêcheur commençait à écailler le poisson, mais avant de lui fendre le ventre, elle le rinça dans son coui. C’est ce qui sauva Mariyan! Il se jeta à droite, à gauche, tourna, se tordit, se retourna, glissa, et en quatre coups de reins fusa dans l’immensité bleue. Il était sauvé!
Il était désemparé car il avait froid sans ses écailles. Il rencontra un poisson-coffre qui le conseilla de consulter le Grand Sorcier Pabelpyès. Sa maisons était dans la région de Détoulanm, dans les varechs du côté des Fonds Blancs, là où les oursins viennent se gaver.
Après plusieurs rencontres et péripéties, Tètfè nagea de nuit comme de jour pour rencontrer la vache de Mer. La vache de mer lui dit:
–Crois-moi! Sur la terre, le lait des vaches tourne. Le mien te tourne l’esprit, mais afin que tu apprennes ce que tu ignores. Veux tu le boire pour qu’il te repousse des écailles? Cette parabole au précieux lait t’ouvrira les yeux. Ce n’est pas un punch. Il a le pouvoir de te montrer ce que ton nez n’a point flairé. Tu le bois par l’oreille comme par la bouche, pour toucher avec ta tête, sentir avec tes mains. Quand tu l’auras bu, pour toi, tout changera. C’est le véritable lait de la Connaissance.
Ta tête fut si longtemps de fer! La parole ne pouvait y pénétrer, une tête trop dure! Bois, Mariyan, bois mon fils et quand tu seras rassasié, je t’apprendrai à te défendre. Du métal de ta tête, je te ferai des écailles, grâce au lait elles pousseront bien. De part et d’autre de ta queue je te poserai des outils pour guérir et soigner les autres.
A cause de ses mésaventures, Tètfè n’avait plus rien d’un Mariyan. Il devint docteur, un vrai chirurgien. Ainsi, naquit cette race de poisson. Un fils du Génie de la Mer! Dès lors, devenu Chirurgien, il guérit les uns et les autres et peut même avec succès soigner les diabétiques. Il est tout nu mais plein d’expérience.
Nous retrouvons une symbolique autour du poisson qui se retrouve également dans les cultures ancestrales de nos aïeuls avec des interdits. Peut on suggérer à travers ce conte un reliquat de ce symbolisme ?
Afin de le découvrir il faudra nager nuit et jour comme Mariyan Tètfè pour remonter à le cours d’eau Nanni nannan.
Sources:
–Le Génie de la mer : contes marins des Antilles de Térèz Leotin
-Magie antillaise d’Eugène Revert
Laissez un commentaire