Le Noël Vaudou en Haïti au ben démaré dans les îles françaises
La quête de l’eau
Bien que les cloches des églises haïtiennes et les tambours des sanctuaires vaudou mêlent leurs voix à la nuit de Noël, ils appellent à des cérémonies bien différentes. D’un côté, on célèbrent la naissance du Christ et de l’autre, on prépare, sous l’œil des divinités africaines, des substances magiques destinées à se protéger des sorciers, des loups-garous et de toutes les formes de malchances.
La coïncidence des dates n’est certainement pas fortuite. Noël a couvert des rites jadis correspondant au solstice d’hiver ou à la nouvelle année. Il y eu également une transposition d’un calendrier vers un autre (calendrier grégorien). Le vaudou, plus proche de ses origines, ne s’est pas soucié d’établir un lien entre les deux fêtes. Celles-ci exigent de nombreux préparatifs. Ils sont entrepris longtemps à l’avance et sont eux-mêmes l’occasion de cérémonies complexes.
Le Noël vaudou représente la phase culminante d’un véritable cycle rituel. C’est donc le moment pour partir en quête de l’eau utilisée dans la préparation des bains. A Port-au-Prince, ces ablutions se font avec l’eau sulfureuse de la source Balan, située au pied d’une chaîne de montagnes bordant au nord la plaine du Cul-de-Sac. La caverne souterrain d’où elle provient passe pour abriter de nombreux loa : Damballah-Wèdo, Agoué, Maitresse la Sirène, Grande Bossine.
La recherche de l’eau sulfureuse s’effectue en grande pompe et tous les membres de la confrérie (prêtre(sse), acolytes, et servantes des esprits) s’y rendent en pèlerinage.
La veille du jour de l’expédition, le prêtre(sse) doit faire un sacrifice de volaille au loa aquatique accompagné de prière. Puis le lendemain arrivé a la source, la confrérie devait disposer au abords diverses offrandes et bougie aux esprits du lieu. Après quelques prières catholiques, les servantes (hounsi) devaient se dévêtirent pour entrer dans la caverne dont les eaux alimentent la source Balan. Puis le prêtre(sse) les suivait pour se réunir dans la caverne composée d’une voûte basse, faite de blocs basaltiques, et à une des extrémités, une sorte de plage éclairée par la lumière du jour filtrant par une fissure dans la paroi.
La confrérie devait se frotter le corps avec des herbes (pas d’information dessus) qu’ils déposaient ensuite dans une anfractuosité de rocher. Le silence était de rigueur afin de ne pas troubler la demeure des loa. Bien évidemment c’était le lieu de nombreuses possession surtout celle du loa Damballah-Wèdo sous la surveillance du prêtre(sse) . C’est donc avec joie qu’il fallait recevoir ce grand loa afin qu’il bénisse la confrérie de cette eau.
Cette eau devait être transvasée dans de grand récipient et poser devant l’autel du houmfo. Le cycle des cérémonies qui commence par la quête de l’eau et se termine par de nombreux rituel dans la nuit de Noël, a pour buts essentiels de porter, grâce aux bains, chance aux fidèles du vaudou et de permettre au prêtre(sse) de préparer, avec toute la solennité requise, les poudres magiques utilisées dans leurs traitements.
Cette fête que nous intitulons Noël, à cause de la coïncidence des dates, n’est au fond qu’une cérémonie magique destinée à capter cette force diffuse qu’on appelle chance et à préserver des sortilèges. Cependant, on peut probablement constater des vestiges d’autres cérémonies relatives à la visite des morts sur la terre. Le rôle joué par le feu, ainsi que la présence des divinités funéraires, constituent des indices non négligeable.
Le bain de démarrage
Le bain de démarrage, ben démaré, bain qui dénoue, bain de remise à neuf est un rituel qui aux Antilles, marque l’ouverture de l’an nouveau. Il consiste en un bain de purification afin de se dépouiller des mauvaises énergies de l’année écoulée et débuter la nouvelle à neuf.
Les adeptes de cette tradition se rendent alors tôt le matin en bord de mer afin d’accomplir leurs ablutions.
Elles ont deux fonctions spécifiques : protéger et stimuler. C’est important de se débarrasser du “guiyon” du pichon de l’année qui s’achève et de s’attirer la chance et les énergies positives. Parmi les plantes ablutionnelles couramment utilisées pour le “ben démaré” on compte, la malaguette,le chadron béni, l’aloès, l’arada, le zel à ravet, etc.
Sous la direction des groupes de carnaval, il donne désormais droit à de véritables processions. Ainsi donc nous pouvions lire dans le quotidien France-Antilles du 2 janvier 2017:
Chaque premier jour de l’année, les groupes à peau vont livrer en procession des offrandes à la mer. Un rite de purification pour aborder la nouvelle année sous les meilleurs auspices. Nasyon, Klé la et Mas ka blé (groupes de carnaval) n’ont pas dérogé au ben démaré.
France-Antilles (02/01/2017)
Ce que nous savons moins c’est que ce rituel perpétue une tradition plus ancienne de l’Egypte pharaonique ainsi que l’indique l’extrait suivant.
Le nouvel an est sans aucun doute l’une des fêtes les plus prisées des égyptiens de l’Antiquité. A cette occasion, chacun fait des offrandes aux défunts et aux dieux, surtout à Rê, dont le jour de naissance était censé être le jour de l’an.
Toutankhamon Magazine n°25
De même, une procession de vases remplis de « l’eau nouvelle » de Nil avait lieu du fleuve jusqu’aux temples. Dans les temples, on procédait à des rites d’illuminations, et on en profitait également pour renouveler leur consécration aux dieux.
Ainsi donc, au premier de l’an en Egypte, le roi, en tant que représentant de Dieu sur terre se rend en procession au bord du Nil. Ce premier jour de l’an correspond au premier jour du premier mois de la saison de l’inondation. Outre prélever les premières eaux de la crue annuelle, le Pharaon pénètre dans les eaux et accompli un rituel de germination censé procurer prospérité toute l’année à l’Egypte.
De ce fait, nous voyons une fois de plus que la sémantaxe ancestrale conduit à la perpétuation de traditions de purification autour du jour de l’an qui perdurent aux Antilles à travers le rituel du ben démaré.
Avec le ben démaré, nous sommes en présence d’un cas de transposition d’un calendrier vers un autre. Ce qui se déroulait en début d’année en Juillet, a été reporté au premier janvier de chaque année, date du nouvel a, du calendrier grégorien.
Ces festivités du nouvel an, donnaient droit à des réjouissances dans toute l’Egypte. La fête d’oupet voyait le souverain du double pays, officier en tant que souverain pontife. Ainsi donc, c’est la graphie figurant la fête du premier jour du mois à l’époque pharaonique qui explique la présence des mas a kon (masques à cornes) et des diables rouges cornus lors des processions du carnaval.
Conclusion
Nous ne pouvons nier les grandes ressemblances entre les cultes aux Antilles françaises et en Haïti. Bien que les procédés soit un peu différents, le but est de se purifier et se protéger.
Mais si on remonte un peu l’histoire des différentes cultures africaines qui se sont côtoyer dans les îles, nous pouvons probablement arriver à la grande civilisation égyptienne qui a influencé une grande partie du continent. Ceci pourrait confirmer le fond culturel ancestral que cache le carnaval, relève, chez les antillais de la célébration du nouvel an.
Vous pouvez lire également : L’origine égyptienne de la langue créole
Souces:
-Le vaudou haïtien d’Alfred Métraux
-Rituels secrets de magie pratiques antillaise d’Angel Adams
-Woucikam tome 1 de Jean-Luc Divialle
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