Le symbolisme du bouc
Tout comme le bélier le bouc symbolise la puissance génésique, la force vitale, la libido, la fécondité. Mais cette similitude devient parfois une opposition: car si le bélier est principalement diurne et solaire, le bouc, lui, est le plus souvent nocturne et lunaire et enfin, il est avant tout un animal tragique puisqu’il a donné, pour des raisons qui nous échappent, son nom à une forme d’art: littéralement, tragédie veut dire chant du bouc, et c’était à l’origine le chant dont on accompagnait rituellement le sacrifice d’un bouc aux fêtes de Dionysos.
La culture égyptienne
Il y a environ quatre mille cinq cents ans que le Soleil, parla précession des équinoxes, se trouva—à l’équinoxe du printemps —dans le signe zodiacal du Taureau. Le signe de la constellation céleste qui portait ce nom fut considéré comme le symbole du Soleil printanier régénérateur de la Nature.
Les bienfaits du Soleil printanier furent vivement ressentis par les peuples adorateurs de cet astre. Aussi le célébrèrent-ils par des fêtes joyeuses.
Malgré la différence des climats et des peuples, malgré les altérations nombreuses qu’a éprouvées le culte antique des astres, les fêtes printanières se sont maintenues jusqu’à nos jours. Ces cultes se dirigèrent naturellement vers le signe du Zodiaque qui en était le symbole, vers le signe du Taureau qui, participant à l’action du Soleil régénérateur, fut, à cet égard, identifié à cet astre : on lui en attribua les vertus, la puissance, les bienfaits; on lui en décerna les honneurs.
Ce signe devint un dieu ;et les représentations du taureau céleste furent adorées. C’est ainsi que le Taureau, signe tracé du Soleil du printemps, devint Taureau-Soleil puis, représenté par un taureau vivant, fut adoré comme un dieu. Dans la division du Zodiaque où se trouve le Taureau est une autre constellation appelée le Cocher céleste ou le Chevrier
Elle est symbolisée, par un homme à pied de bouc, portant une chèvre et des chevreaux . Ce signe n était dans son origine qu’une image de bouc.
Les mêmes causes, qui élevèrent le signe du Taureau au rang des dieux, procurèrent un pareil honneur au signe du Bouc.
Ces deux signes indiquaient également le retour du printemps: ils eurent le même sort, portèrent le même nom, mais furent adorés dans des villes différentes. Ainsi, le Soleil printanier eut pour emblème deux animaux vivants.
Le Bouc sacré était adoré sous le nom de Pan à Mendès, ville d’Egypte qui, ainsi que le Nome mendésien, doit son nom à cette divinité animale ; car Mendès signifie bouc.
«Le bouc ou le dieu Pan, dit Hérodote, s’appelle Mendès en égyptien. »
Il en est de même de la ville de Thmuis ou Chemmis (en Basse-Egypte), où le culte du bouc fut en vigueur. Saint Jérôme nous apprend que ce mot signifie bouc. L’Arcadie, puis l’Italie mirent ce bouc au rang des dieux, et le nommèrent Pan.
Lucien, dans son Traité sur l’Astrologie dit, en parlant du taureau Apis (objet de la vénération des Egyptiens) que, s’ils adorent cet animal c’est pour honorer le Taureau céleste ou le taureau du Zodiaque ;et il ajoute que le culte d’Amon, dieu à tête de bélier, doit son origine au Bélier céleste et à la connaissance de ce signe du Zodiaque.
C’est de ces deux animaux qu’est dérivé le culte du Phallus, qu’on a aussi appelé Priape. C’est le simulacre de leurs parties génitales —et non de celles de l’homme (comme on l’a cru généralement)—qui est devenu un objet de culte.
La culture grecque
C’est à au dieu Dionysos que l’animal était particulièrement consacré: il était sa victime de choix. Il ne faut pas oublier que le sacrifice d’une victime implique tout un processus d’identification. Dionysos s’était métamorphosé en bouc lorsque, Typhon attaquant l’Olympe et dispersant les dieux effrayés au cours de sa lutte avec Zeus, il s’enfuit en Egypte.
Il arrivait d’ailleurs dans un pays où des sanctuaires étaient élevés à un dieu chèvre ou bouc, que les Grecs appelèrent le dieu Pan; les hiérodules s’y prostituaient à des boucs. C’était un rite d’assimilation aux forces reproductrices de la nature, au puissant élan d’amour de la vie.
Comme le bélier, le lièvre, le passereau, il était consacré à Aphrodite, à laquelle il servait de monture, tout comme à Dionysos et à Pan, divinités qui se revêtaient parfois aussi d’une peau de bouc.
La culture hébraïque
Sa vertu sacrificielle apparaît aussi dans la Bible, où le bouc du sacrifice mosaïque sert à expier les péchés, les désobéissances, les impuretés des enfants d’Israël.
Il immolera alors le bouc destiné au sacrifice pour le péché du peuple et il en portera le sang derrière le voile. Il procédera avec ce sang comme avec celui du taureau, en faisant des aspersions sur le propitiatoire et devant celui-ci.
Lévitique 16, 15-16
Rien d’étonnant dès lors que, par une méconnaissance profonde du symbole et par une préversion du sens de l’instinct, on ait fait traditionnellement du bouc l’image même de la luxure. Dans cette perspective, le bouc, animal puant, devient un symbole d’abomination, de réprobation. Animal impur, tout absorbé par son besoin de procréer, il n’est plus qu’un signe de malédiction, qui prendra toute sa force au Moyen Age; le diable, dieu du sexe, est alors présenté sous la forme d’un bouc. Dans les récits édifiants, la présence du démon-telle celle du bouc-se signale par une odeur forte et âcre.
Ce triomphe de l’aspect néfaste ou nocturne du symbole fait finalement du bouc l’image du mâle en perpétuelle érection, à qui, pour le calmer, il faut trois fois quatre-vingts femmes. C’est l’homme qui déshonore sa grande barbe de patriarche par des copulations contre nature. C’est lui qui gaspille le précieux germe de la reproduction. Image de malheureux, rendu pitoyable par des vices qu’il ne peut maîtriser, de l’homme dégoûtant, il figure l’être qu’on doit fuir en se bouchant les narines.
Les tabous sexuels et la grande peur du Moyen Age chrétien ne parviennent cependant pas à éliminer complètement les aspects positifs du symbole, comme le prouvent d’innombrables traditions populaires.
L’aspect positif dans les autres cultures
En Afrique, une légende peule présente le bouc avec sa double polarité, comme un symbole de la puissance génésique et de la puissance tutélaire. Couvert de longs poils, il est signe de virilité; mais il est signe maléfiques, dès lors que tout le corps en est couvert; il devient alors l’image de la lubricité. La légende africaine de Kaydara décrit un bouc barbu:
Il tournait autour d’une souche, sur laquelle il montait, descendait et remontait sans arrêt. A chaque escalade, le mâle caprin éjaculait sur la souche, comme s’il s’accouplait avec une chèvre, malgré la quantité considérable de sperme qu’il déversait, il ne parvenait point à éteindre son ardeur virile.
Cette légende explique que dans la classification des êtres le bouc représente parfois une tentative d’union entre l’animal et la plante comme le corail est intermédiaire entre la plante et l’animal, comme la chauve-souris relie l’oiseau et le mammifère.
Mais, face à l’Europe chrétienne, c’est encore l’Inde védique qui apporte à l’aspect négatif du symbole un contrepoids suffisant en identifiant le bouc, animal du sacrifice védique, à Agni, dieu du feu:
Le bouc est Agni, le bouc est la splendeur;
Atharva-Veda,9,5
…le bouc chasse au loin des ténèbres…
O bouc, monte au ciel des hommes pieux;
…le bouc est né de la splendeur d’Agni
Il apparaît comme le symbole du feu génésique, du feu sacrificiel, d’où naît la vie, la vie nouvelle et sainte: aussi sert-il de monture au dieu Agni, le régent du Feu. Il devient alors un animal solaire revêtu des trois qualités fondamentales, ou guna, comme la chèvre.
Saint et divin pou les uns, satanique pour les autres, le bouc est bien l’animal tragique, qui symbolise la force de l’élan vital, à la fois généreux et facilement corruptible.
La diabolisation de la déesse mère
Aux origines des religions, la déesse de l’amour et de la guerre fut célébrée pendant près de 4000 ans comme la divinité des dualités : Ishtar en Mésopotamie, Inanna dans l’empire sumérien, Isis dans l’empire d’Égypte, Cybèle en Phrygie, Artémis à Éphèse, Europa dans l’empire grec, Aphrodite dans l’empire romain.
Isthar, fille du Dieu primordial Enlil, est parfois représentée avec une barbe, des seins et des armes. Et aussi accompagnée de deux lions, d’un bouc ou d’un taureau. On lui confère aussi le pouvoir de donner le genre masculin et féminin ou de l’inverser à sa guise.
Dans les anciennes cultures, ils utilisaient le taureau ou le bouc pour représenter la déesse de la fécondité. Malheureusement tout le symbolisme autour de cette divinité a été diabolisé par la culture hébraïque. Afin de mettre en avant leur culte patriarcal en transformant la déesse mère en YHWH…
Pour mieux approfondir ce sujet, je vous recommande de lire:
–Le procès du Serpent: la diabolisation de la déesse-mère.
–La Déesse Isthar/Inanna
-La lune, source de connaissance
–Lilith, la rebelle
Sources:
–Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheebrant
-Sectes et sexe : la sexualité dans l’ésotérisme de Pierre Mariel
-Célébrons la déesse
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