Le tabou de ma couleur de peau


Lorsque j’étais scolarisée, j’avais appris en cours d’histoire la colonisation des Antilles par les européens. Mais en remontant mes souvenirs, je n’ai pas eu la sensation lors de mes cours d’histoire que la colonisation était décrite comme un crime très grave. Pourtant, j’étais scolarisée à la Martinique, dans une île héritière de cette tragique et abominable période.
À l’époque, je pensais avoir conscience de l’esclavage des noirs et qu’en reparler à chaque fois était une perte de temps. Car pour moi, cela ne me concernait pas, je n’avais pas vu mes grands parents et mes parents enchaînés dans une habitation de canne. Le passée devait rester dans le passée, cela ne concernait pas ma génération.

De plus, je ne savais pas trop me situer, par rapport à ma couleur de peau. Je suis noire avec les cheveux épais et un peu crépus, mais je n’ai pas la couleur de peau avec.
Je suis née avec une couleur très pâle et des yeux bleus, d’ailleurs on me surnommait Blémichou. À ma naissance, on a dû forcément blaguer en disant que j’étais la fille du gendarme. Et de plus, je n’arrivais pas à bronzer à la mer et, on pouvait admirer aisément mes vaisseaux sanguins à travers ma peau. Surtout la nuit, en mode fluorescent…
Bon nombre de personnes disaient que j’avais la peau sauvée, je ne comprenais pas en quoi j’avais une meilleure couleur de peau par rapport aux autres. Car je ne bronzais pas, de ce fait j’étais la cible de nombreuses moqueries. Je trouvais que je faisais tâche par rapport à mon entourage et population de l’île. J’avais certe, des camarades à la peau claire mais pas aussi claire que moi, d’ailleurs eux mêmes me le faisaient remarquer.

Bien évidemment , j’ai demandé à ma mère si j’ai été adopté. Ma branche maternelle est métissage lointain entre des côlons basque et des indiens, sou-poudré d’une petite touche asiatique. Tandis que mon côté paternelle est une mélange entre noirs et indiens. Malgré tout ce brassage de populations différentes, je trouvais que j’étais à part au niveau de l’expression de la mélanine.

Puis habitant en région parisienne, j’ai du mainte fois justifier mes origines. Car je disais que je n’étais pas une métisse, juste noire avec une peau claire. Les gens ne comprenait pas, pour eux si on a cette teinte c’est qu’un de nos parents est forcément blanc. Et si je ne parlais pas, certains pensaient que j’étais d’origine maghrébine, mais mon accent chantant les aidait à me recaser. J’ai du mainte fois leurs dire pour couper court à la conversation, que je possède cette couleur de peau (pâle), car mon aïeul a été violé par son maître (vrai ou pas, en tout cas j’avais la paix).
Ayant cette couleur de peau, les gens oubliaient assez vite mes origines et commençaient à parler ouvertement des noirs, des africains, des antillais, etc. J’ai été témoin de nombreux préjugés et racisme latent envers ma communauté. Et j’ai eu droit à la fameuse phase: “oui, mais toi ce n’est pas pareil.”

En quoi, pour moi cela ne serait pas pareil? Juste parce que j’ai hérité la couleur blanchâtre d’un lointain aïeul?
Cela veut dire, qu’on me considère juste par rapport à ma peau. Et on met en retrait la femme que je suis, qui a été façonnée par la culture antillaise (Afrique, Inde, Asie, Europe, Caraïbes, etc). Je ne suis ni blanche ni noire, pour les “européens” mais la problématique se pose également chez certaines personnes noirs. Donc qui suis je? Suis je obligée de choisir une partie de mes origines en reniant l’autre partie?

Je suis noire, j’ai certe la couleur blanchâtre mais je me considère comme une noire. Et il est regrettable, qu’en 2019 je dois toujours me justifier. L’héritage de l’esclavage me concerne comme n’importe quel descendant de personnes qui a été mis en esclavage. J’aurai pu être de n’importe quelle couleur, cette histoire me concernerait également, car elle concerne tout le monde.
Malheureusement, nous vivons dans une société codifiée par la couleur de peau. On s’estime des êtres évolués, évolués dans la technologie mais certainement pas dans la mentalité.

C’est toute cette problématique par rapport à la couleur de peau, les différences entre les mulâtre, chabins, coolis, etc surtout dans la société créole qui m’a motivé pour comprendre les origines de cette bêtise humaine. Au fil de mes lectures, j’ai aussi découvert de nombreux maux que nous portons toujours, héritage de cette terrible époque. Que je m’efforcerai de partager avec vous.
Je suis juste un femme noire à la peau claire, qui veut faire la paix avec son héritage afin d’être plus légère pour son avenir.

Et toi, qui tu es?


Vous aimerez aussi

rue des syriens

Rue des syriens

livre bal maqué à békéland

Bal masqué à Békéland

la vierge du grand retour

La Vierge du Grand Retour

la panse du chacal

La panse du chacal

la lessive du diable

La Lessive du diable

chabine

Le mythe du Chaben


Laissez un commentaire



Mon Instagram

Un ancêtre est un défunt qui a eu les rites funéraires nécessaires pour accéder à l`ancestralité. Il est comme une étoile autonome qui va agir en retour pour le bien et la prospérité de sa descendance. Mais si ses yich ka foutè fè, rien ne l`oblige à agir. Surtout si sa descendance ne le capte même plus.

De ce fait, il va boire son petit thé d`atoumo et manger ses pop-corn en regardant la télénovela de notre vie. Tôt ou tard, an piti ké vini rélé`y...donc il patiente.

N`oubliez pas un ancêtre est autonome, i pa bizwen`w ankò pou fè zafè`y. Mais par compassion suite à la rupture de la transmission familiale pendant de nombreux siècles, i toujou ka fè dé twa bagay an soumsoum pou ba`w fòs-la. Dèlè zot ka di sé bondié...zansèt ka toufé mé yo ka fè`y.

Mais attention lorsque la conjecture est favorable pour la reconnaissance qu`ils méritent et qu`ils ne l`ont pas pour x raisons, alors là lè zot ké pliché yo pé ké vini rilévè`w ankò.

Rélé bondié pou wè. 

#fokousav
...

209 5

Je suis heureuse de vous annoncer la sortie prochaine (01 octobre) de mon deuxième roman Sen déyè Djab aux éditions @jets_dencre 🥳.

Dans un délire humoristique, philosophique, sarcastique et initiatique j`ai voulu retranscrire la bible Martiniquaise.

Et oui la bible en soumsoum qui se conte sans jamais se révéler au grand jour à travers les évangiles de Soraya et de Man Joliba. En effet, la femme a toute sa place dans notre histoire rocambolesque.

Disponible en librairie.

#livres #littérature #caraïbe #livrespeyi #booklover
#book #litteraturecaribeenne
...

418 25