Les émeutes de 1959: le décembre noir
Lors d’un jour banal du mois de décembre de l’année 1959 à la Martinique, un banal accrochage routier à Fort de France (près de la savane) se produit entre un scooter (vespa) martiniquais et un automobiliste métropolitain. Cet incident entraîne une altercation corps à corps entre les deux conducteurs.
Non loin de la Savane , un imposant groupe de curieux se rassemble aux abords du Central Hôtel, place de la Savane, et commente vivement l’incident alors que les deux personnes en cause en viennent aux mains… Des CRS interviennent violemment, lançant des gaz lacrymogènes, dispersant sans ménagement la population présente. Des badauds et des militaires permissionnaires ripostent. Et 3 jours durant, des groupes venus en grande partie des quartiers populaires de Fort-de-France affrontent les CRS. Puis voyant que la situation dégénère, les CRS sont consignés au Fort Saint-Louis.
Lors de ces émeutes, les forces de l’ordre tuent 3 jeunes martiniquais qui sont les suivants:
-Edmond Eloi dit Rosile (20 ans), le lundi 21, rue Villaret-Joyeuse, derrière l’Olympia à Fort de France.
-Christian Marajo (15 ans), le lundi 21, rue Ernest Renan appelée maintenant Moreau de Jones, près du Palais de Justice,
-Julien Betzi (19 ans), le mardi 22, au niveau de la Place Stalingrad , actuellement appelée François Mitterrand.
Le dimanche soir (20 décembre), 3 cibles sont principalement visées par les émeutiers : le Fort Saint-Louis où sont casernés les CRS, l’hôtel de l’Europe, siège des anciens d’Afrique du Nord, et divers magasins du centre-ville. Dès le lendemain, les émeutes cessent d’être localisées à la Savane et au centre-ville, alors que les premiers acteurs laissent place à des groupes à forte proportion de jeunes, venus des quartiers populaires de Fort-de-France.
Face à cette situation catastrophique, les partis politiques, les syndicats, les organisations maçonniques et religieuses, toutes les forces structurées de la Martinique appellent au calme, à partir du mardi 22 décembre.
En effet, lors d’une session extraordinaire (jeudi 24 décembre 1959), le Conseil Général unanime réclame, le retrait immédiat des CRS et des éléments racistes indésirables.
Un couvre-feu est décidé dans la ville de Fort-de-France interdisant tout rassemblement public après 21h. De nombreuses personnalités (Évêque, députés dont Aimé Césaire, Président du Conseil Général) appellent au calme. Les membres du Parti Communiste réclament un changement de statut et encouragent les jeunes à se mobiliser.
Les issues de cette crise sociale seront annoncées le 11 janvier 1960 par le cabinet du ministre-délégué qui avait consulté le nouveau préfet mis en place. Les CRS sont désormais remplacés par des gendarmes et l’île retrouve enfin sa tranquillité.
Petite info
Alain Plenel (père du journaliste: Edwy Plenel) qui avait un rôle important dans l’île (vice recteur), prend la défense des jeunes gens tués publiquement et contre l’avis des autorités. Il est allé jusqu’à donner le nom de l’un d’eux à un nouveau groupe scolaire. Bien évidemment, le fonctionnaire a été sanctionné, mais son geste a durablement touché les Martiniquais.
Edwy Plenel (le fils du vice-recteur) : le fondateur de Mediapart n’avait que 7 ans, mais il s’en souvient comme si c’était hier, le journaliste a grandi en Martinique. En 1959, enfant, il a vécu au plus près la répression des manifestants, cet événement l’a transformé: “C’est un incident raciste qui a entraîné la mort de trois jeunes gens, tués par la police”,explique le journaliste sur France info en 2013.
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