Bon kou bwa ka ba’w bon chans
La soirée battait son plein à la villa Belle étoile cachée dans un fond anba bwa. La jeunesse transpirait sur les ridims jamaïcains. Mains à terre et fesses en l’air dans une bacchanale de transpiration. C’était même attrape la copine de ton voisin sans affaire de cancan ou de coup de couteau. Après un confinement sans fin, la jeunesse voulait enfin déchirer les culottes sur un konpa endiablé ou casser ses hanches sur un bouyon bien salé.
Célanire était toute pimpante dans sa robe kolé séré rouge passion. On pouvait même voir le morceau de tissu lui fendre le bonda en deux parts égales. Ce n’était pas le genre de robe qu’on trouvait à bas prix chez le chinois en ville. Hanhan, c’était une robe sexy et en même temps classe qui lui donnait une allure de femme fatale, mais attention, indépendante oui. Pas comme celle qui cherchait un lolo pour payer le loyer.
Célanire gagnait correctement sa vie et n’hésitait pas à aider son oncle en cuisine afin que sa petite roulotte de hamburger prospère. Ce soir-là, elle ne cherchait pas un homme pour l’entretenir, elle savait très bien le faire toute seule. Non, ce soir-là, elle cherchait un lolo pour la faire jouir même dans le razié du coin.
Depuis sa séparation avec son ex, c’était la panne sèche. Oui, madame avait besoin de raviver le feu de sa koukoun. De ce fait, elle rejoignit sa bande de copines qui avait réservé une table. Sans attendre cette histoire de « combien tu mets pour acheter une bouteille ? », elle prit les choses en main en commandant trois bouteilles de champagne à ses frais.
En moins d’une heure, les dangereuses siphonnèrent tout l’alcool. Heureusement que les mako payaient les bouteilles suivantes. Pendant que ses copines té ka brennen bonda yo, Célanire était un peu contrariée. Elle n’aimait pas trop la playlist du dj, à croire que tous les dj de l’île se réunissaient pour balancer les mêmes morceaux, avec les mêmes transitions.
Cette histoire de bruit de bateau pour faire la transition entre deux musiques différentes l’horripilait. Aucune innovation, aucune surprise ayen, tjip ! Même l’alcool n’arrivait pas à dérider ses hanches. Ni même le mako plutôt belle gueule qui la dévorait des yeux.
Célanire commençait à s’ennuyer alors que ses amies s’amusaient pendant que leur homme s’occupait des enfants. Pour sûr, elles ont presque déchiré leurs robes sur le son des Holly G. Vers une heure du matin, le dj décida de passer un peu de kizomba. Enfin, Célanire pouvait apprécier ce moment, elle qui dansait depuis plus de dix ans cette danse.
Aussitôt, elle quitta discrètement la table afin de ne pas danser avec le mako par dépit.
Célanire se dirigea avec assurance vers la piste, à la recherche d’un bon danseur. Quelques secondes après son arrivé, un bougre lui tendit poliment sa main. Lorsque Célanire le regarda, elle sut que c’était lui qui devait la koké dans le razié. C’était un bel homme dont la couleur de peau épousait la nuit. Une couleur qui provoqua la sécrétion de sa crème de lambi.
La coquine se félicita avec émotion de ne pas avoir mis de string. Ah non ! Elle comptait bien lui badigeonner la cuisse avec son beurre aphrodisiaque. C’est donc sur la chanson entraînante Nha Amor de Marcia et Nichols, que Célanire colla ses tétés sur la poitrine de l’inconnue. Puis gaina ses jambes et bomba son bonda sous sa main experte.
Une main légère qui lui fit exécuter avec douceur des figures qu’elle avait oubliées. Bondié ! Célanire fondait comme un sorbet de grosey péyi sous l’étreinte de l’inconnu.
Ah oui, comme disait la chanteuse jamaïcaine Spice, elle aurait fait monter ce nègre dans un arbre pour qu’il lui donne un coup de bois sur les fesses. Fallait le koké sous le lit, à terre ! Pas sur le lit comme les autres, hanhan. Elle sentait qu’il fallait le surprendre, antatay, le surprendre pour qu’il lui donne des coups de reins de l’enfer. Mais au moment, où Célanire voulu entamer une petite conversation avec lui, le bel inconnu la remercia :
–Merci pour cette danse, j’aurai aimé rester un peu plus mais je dois m’en aller. Bonne soirée.
Bonne soirée ! Ce ne sont pas ces maudits mots que le bougre avait osé lancer dans ses oreilles han ! Célanire bouillonna de frustration, car sa crème de lambi réclamait une langue. Mais pas n’importe quelle langue ! Ne voulant pas perdre sa proie, elle questionna ses copines sur le bel inconnu. Bizarrement, dans chaque soirée, chacun connaissait le manjé kochon de l’autre.
-Mafi, il s’appelle Davy. C’est le cousin d’un coupeur de canne à moi. Il vient d’être papa.
Papa ou pas, Célanire voulait dévorer Davy. Hélas pas ce soir, dépité, elle embrassa ses copines avant de rejoindre sa voiture. Elle ne voyait plus l’intérêt de rester. Ce fut lorsqu’elle démarra sa voiture, qu’elle regretta de ne s’être soulagée aux toilettes avant de partir. Prudente, elle se cacha derrière un amandier afin d’uriner discrètement. Puis repartit vers sa case, frustrée et légèrement pompette. Pendant ce temps, son urine imbibée d’alcool mélangé à sa crème de lambi s’insinua vers les racines superficielles de l’amandier.
Cette fraîcheur aphrodisiaque réveilla flap le lwa Ganbwa, l’esprit qui règnait en maître dans les bois. L’amandier pouvait sentir le désir de Célanire à travers toutes ses racines et branches. Lui aussi désirait de la faire grimper tout en haut afin de claquer ses dures branches sur les fesses bien rebondi de la personne. Antatay ! L’amandier avait faim de Célanire.
Arbre doté du don divin de la création, Granbwa fit sortir de la terre une de ses profondes racines. Puis par son énergie féconde, il sculpta la racine pour lui donner la forme de Davy, l’homme qui éveillait la koukoun de Célanire. Grâce à la complicité du vent, ses feuilles recouvrirent son œuvre d’art afin de lui insuffler la vie.
Sans plus attendre, le lwa sous la forme de Davy apprivoisa l’esprit d’un cheval errant. Antan lontan, un redoutable béké fut maudit par un esclave sorcier. Maintenant, sous la forme d’un étalon noir, il drivait dans les bois sans but, à la recherche de son maître.
À la vue de la création du lwa, le cheval maudit s’inclina respectueusement devant son nouveau maître. Puis ils s’envolèrent dans les airs vers la demeure de Celanire. Heureusement, ce soir-là, le ciel était voilé par une horde de nuages. Les habitants de l’île pouvaient essayer de scruter la voûte céleste sans mourir de saisissement en voyant un homme nu chevaucher un puissant étalon noir.
Néanmoins, lors de cette nuit fraîche, Monsieur Laventure mourut flap d’un arrêt cardiaque juste à côté de son télescope. Les cancaniers diront qu’il avait sans doute vu Monsieur le maire, transformé en soukougnan. Le politicien voulait terroriser ses adversaires afin d’éviter que la polémique des drapeaux et de l’hymne de la Martinique s’éternise.
Arrivé chez elle, Celanire grimpa péniblement ses escaliers pour rejoindre sa chambre. Sa mère dormait déjà profondément depuis bien longtemps. Sans un bruit, elle se démaquilla rapidement dans la salle de bain. Mais au moment de rejoindre son grand lit tant désiré, elle vit dans son jardin un homme sur un cheval. Ében bondié, ti manman’y-la mantjé mò o swè ya balan i soté ! Paniquée, elle courut réveiller sa mère, mais en vain.
La dame semblait plonger dans un coma. Elle composa fébrilement le numéro de la police, mais le réseau semblait inexistant. De plus, la maison était comme par hasard sujette à une panne de courant. Celanire commença à trembler de peur, c’était sans doute un dorlis ?
Elle descendit les escaliers en courant afin d’attraper la boite de sel afin de le répandre devant ses portes et fenêtres. Tout en s’activant, elle scrutait à chaque instant la créature de nuit. Subitement, le dorlis descendit de son cheval pour marcher vers sa demeure.
Les timides rayons de lune, lui révélèrent que l’homme de la nuit était nu. Plus il avançait, plus elle se rendit compte qu’il ressemblait trait pour a trait à Davy, le nègre de ses désirs. Elle remarqua également qu’après chaque pas, des fleurs poussaient en quelques secondes. Puis, s’ouvraient éclatante vers la lune.
Au lieu de crier d’effroi, un léger soulagement s’empara de sa personne. Ses tantes lui avaient toujours dit qu’une mauvaise entité semait la mort autour d’elle, tandis qu’un être de lumière créait la vie et la beauté. Mais que voulait cet être ? Avait-elle dansé avec un esprit ? Une soukouss de questions qui lui infligea une fulgurante migraine. Comme disait sa vieille tante Eulalie:
-Mafi, lè an zespri kon sa ka vini ba’w, fok-ou kité’y palé ba’w. An benediktion ki la !
Malgré son léger soulagement, elle avait tout de même peur. C’est donc un peu craintive que Celanire ouvrit sa porte afin de rejoindre l’être planté au milieu de son jardin. Davy la regardait avec gourmandise, de plus son kal bien debout semblait être prêt pour elle. Un frisson parcourait le corps de la jeune femme pour se jeter vers sa kékètt.
– Que me veux-tu ? Demanda timidement Célanire
–Te faire grimper à un arbre pou ba’w an kou bwa, répondit-il d’une voix suave.
Bondié seigneur et les âmes du purgatoire ! Même que soit disante la Vierge Marie en personne serait descendu sur cette île pour prendre la place de Célanire. Une tremblade de désir dévorant fit frémir les lèvres de lambi de la jeune femme. Le feu de son sexe semblait revenir, mais cette fois-ci le brasier était plus violent que l’accoutumée.
Ce fut lors de cette nuit ventée au parfum de gwo ten, que le lwa Granbwa fit l’amour à Celanire sur les herbes humides de son jardin. Lui avait-il donné son coup se bwa sur le bonda ? Seuls les zombis errants pouvaient en témoigner.
D’après les milans de la nuit, un couple de volants fut délogé sans ménagement par un étalon noir afin que son maître puisse koké sa maitresse. Assurément et pas peut-être, cette histoire anima les badjolè de la nuit avant de reprendre leurs diableries.
Le lendemain, la jeune femme se réveilla comblée. Elle était allongée au mitan de son jardin nu et un peu étourdit. Cette nuit avec l’esprit de l’amandier fut magique et mystique. Une parfaite association qui la fit jouir à en perdre conscience. À force, sa crème de lambi mélangé à la sève divine, donna un jardin luxuriant.
À son réveil, elle constata qu’en une nuit, son lopin de terre ingrat était maintenant peuplé d’arbres fruitiers et de fleurs multicolores. Elle en fut émerveillée et reconnaissante. D’ailleurs, sa mère en fut estebekwe !
-Bondié Célanire mi bénédiksion ! Mais la plus belle arrivera dans neuf jours. Dit-elle les larmes aux yeux en tenant fermement sa médaille de naissance.
Comme l’avait prédit sa mère, pendant neuf jours, le ventre de Celanire grossissait comme une femme enceinte. Ce fut lors du neuvième jour à trois heures du matin que la jeune femme accoucha péniblement d’une grosse graine dorée. Sous les conseils des femmes de sa famille, elle la planta dans son jardin en l’arrosant exclusivement avec son urine, pendant trois semaines. Au bout de neuf mois, la graine devint un magnifique petit amandier.
À chaque pleine lune, Celanire cueillait 10 feuilles de l’arbre pour les tremper dans de l’eau de mer. Au bout de trois jours de trempage, les feuilles se transformaient en billet de 500 euros pour son plus grand bonheur. Depuis ce jour, les femmes de la famille s’évertuaient à uriner sous les amandiers, mais en vain.
Valérie RODNEY
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