Douvan nèg
Dans le jardin créole, la poétique dénoue les choses et c’est une écriture théâtrale qui s’y déploie en prenant en compte les dangers réels ou imaginaires parmi lesquels ceux portés par quelques persécuteurs, diablesses, animaux plus ou moins identifiés, esprits des morts. Les plantes protégeant des malveillants sont situées aux barrières, aux allées et aux terrasses, elles ont des noms symboliques.
L’Arada, désigné aux Antilles comme douvan nèg, avè en Haïti, ou encore anamu à Cuba, en République Dominicaine et à Porto Rico, pour ne citer que quelques pays, car cette plante est présente dans toute la Caraïbe où elle assure une fonction de prévention et de défense contre le mal.
Elle a également des vertus thérapeutiques, notamment celle de permettre la venue des règles. Plante abortive, on l’appelle aussi dans certains pays sort de l’enfant. L’arada est certainement la plante de protection par excellence. Son usage chez les amérindiens, en particulier chez les Caraïbes qui lui attribuaient des vertus magico-religieuse, était le même chez les esclaves, dont l’une des ethnies est à l’origine de son nom.
Présente dans le jardin créole, elle est souvent placée à proximité de la demeure qu’elle protège des esprits malveillants, elle est aussi utilisées dans les bains démarrés qui sont des bains de garde et propice à l’ardeur. On peut l’introduire dans la maison pour garantir la protection, ainsi à Cuba :
On met sept brins d’anamu attachés avec un ruban rouge derrière la porte pour protéger la maison. Tandis que les bains d’anamu chassent du corps de la victime l’esprit obscur envoyé par un mayombero pour la tourmenter.
En général en Martinique et en Guadeloupe, pour la protection de la case, le patchouli et la kan’majo accompagnent l’Arada/Douvan nèg. Contre les esprits, le sandragon, le balé-sizè ou le balé-midi en Martinique, le manyok béni et le médsinié béni, propices à contrer l’esprit des morts, entourent la maison.
Accompagnent tout cela le qui vivra verra, variété femelle, ou son équivalent mâle qui mourra saura appelé également plus fort que l’homme, et le bois moudongue.
Dans ce souci de protection, les habitants sont sensibles au cours secret des images, des odeurs et des bruits, mais les plantes sont fondamentales car elles sont “consacrées”, c’est à dire liées à une religion, à un rituel ou aux mystères. C’est ce que disent également, et plus clairement encore les pratiquants de la santaria. Calixta Morales, l’une des plus célèbre officiantes de La Havane, expliquait à des européens que leurs plantes thérapeutiques “sont des plantes déguisées, alors que dans la forêt nos plantes sont bel et bien vivantes”.
Ce propos souligne que la forêt est le “domaine naturel des esprits” où résident dieux et plantes.
Source:
-Antilles, les paroles, les visages et les masques d’André Lucrèce
Laissez un commentaire