Gran Kay tjenbwazè Matnik
Lors d’une nuit étoilée, j’ai rêvé que le Bondieu de la canne n’avait pas broyé et dispersé nos divinités ancestrales. Qu’il n’avait pas réussi à nous faire oublier leur voyage dans les cales des négriers. Hanhan bien au contraire ! Malgré le fouet et l’assimilation nous avons pu ériger juste à côté des églises, nos temples pour rendre hommage à notre Panthéon kinbwazè martiniquais. Celui de Guadeloupe est un tantinet différent, certains loa veulent du chodo comme offrande tandis que pour nous ils veulent du pain au beurre et chocolat de communion. Et oui ils ne s’offusquent pas du mot communion ! Communion pour les chrétiens mais pour nous, communion avec l’énergie qui nous entoure. Allez savoir pourquoi c’est différent alors que les résultats sont les mêmes ! Le monde de l’invisible doit toujours garder sa part de mystère.
N’allez pas croire que je vous parle de diablerie hon. Point de cela dans nos croyances ! Tout est une question d’énergie, une source primordiale qui s’exprime en prenant les différents aspects de la personnalité de l’homme. Tantôt un loa belliqueux comme un mauvais béké mais qui peut te sauver de la déveine, un autre menteur et fourbe comme un politicien de la CTM mais qui peut t’aider à retrouver le voleur de tes ignames, un autre doux et généreux comme une maman martiniquaise, un autre qui nous soigne comme un doktè fey, un qui nous protège des soukougnans et dorlis, un qui a l’aspect sec et dur d’une maîtresse d’école d’antan afin de nous aider à être intelligent, un autre qui affectionne trop le rhum mais qui est justement sollicité pour nous rappeler que l’alcool n’est pas de l’eau. Tant de possibilités qui peuvent douciner ta vie si tu es respectueux.
Un Panthéon qui nous ressemble, qui s’adapte et qui nous lie entre nous. Cela sous-entend bien évidemment des divinités dont le trait principal est l’humour. Tonnerre de Brest ! Ne sommes-nous pas le peuple qui a l’art et la manière de tout tourner en dérision !
Ma parole, un panthéon qui nous rappelle d’où nous venons. Un pont qui nous connecte à notre terre ancestrale. Tout en acceptant les bras ouverts, mais attention, sans dérespectation des autres manifestions de cette source énergétique à travers Shiva, Petit Jesus, Mariemmen, Bouddha, etc. Après tout nous sommes une petite île chaloupée par différentes religions et spiritualité.
Mais ceci n’est qu’un rêve gorgé de regrets et d’espoirs. Heureusement dans cette vie scélérate qu’on nous a imposée, nous pouvons nous mettre à genoux et gratter avec nos ongles cette terre au chlordécone. À force de gratté et de patience, nous pourrons retrouver nos aïeuls enfouis. Les retrouver pour les chérir, les aimer, les glorifier comme il se doit car depuis toujours ils veillent sur nous. Sous nos pieds ils nous observent, c’est pour cela qu’ils viennent te tirer les orteils la nuit pour t’avertir. C’est pour cela qu’en ouvrant une nouvelle bouteille, nous versons à terre la première gorgée. Oui pour nous rappeler qu’ils veillent et guident.
Alors avons-nous besoin d’une multitude de divinités pour éponger notre souffrance et notre peur ? Le choix est propre à chacun. Mais une chose est sûre, quelle que soit la mauvaiseté de ton aïeul il se pourrait qu’il travaille pour une embellie de ta situation. Et si ce n’est pas le cas, un autre le fera car dans la misère du Dieu canne, nous sommes et resterons debouts ensemble !
Valérie RODNEY
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