matoutou martinique

Monsieur Matoutou de Pâques


Le Matoutou ou Matété (différence de noms entre la Martinique et la Guadeloupe) est un plat traditionnellement servi lors des fêtes de Pâques et Pentecôte. On utilise des crabes de terre qui ont plus de goût que les crabes de mer, ils sont plus charnus et leur chair est plus fine

Lors de mon enfance à la Martinique, mes grand-parents maternels avaient pour coutume d’élever des crabes pour les déguster le lundi de Pâques. D’ailleurs comme bon nombre de familles martiniquaise.
Je les entendaient souvent cogner leurs pattes sur les planches de bois de la cage. Un plakatac incessant….durant au moins 3 mois.
Lorsque le jour des festivités approchait, il fallait se dévouer pour tuer ces crabes. Bien évidemment, je m’arrangeais toujours pour ne pas y assister. Car Mon papi m’avait expliqué que pour tuer la bête rapidement, il fallait planter le couteau entre ses yeux…..

D’ailleurs, j’étais le seul membre de la famille que se soit maternelle ou paternelle qui ne mangeait pas de crabe aka matoutou. Je n’ai jamais aimé le goût de cette viande, même si ma tante Maryse préparait les meilleurs matoutous de toute l’île (selon les dires de mon père). Une martiniquaise qui n’aime pas le matoutou, Seigneur et touts les saints cela n’est pas possible. Imaginez la tête de ces gens quand je leurs disais oui et d’ailleurs je n’aime pas la langouste et les crevettes.

De tout façon, je n’avais pas envie de me salir avec la sauce, déjà quand je me brosse les dent il y a toujours un peu de dentifrice sur mes bras. Alors imaginez la catastrophe avec la sauce dégoulinante des pinces de crabe.
Enfin, c’était une petite parenthèse de mon enfance afin de vous faire découvrir ou redécouvrir la tradition du crabe à la Martinique lors de la fête de Pâques.

Les origines de la tradition

Le crabe était jadis une viande consommée par les Arawaks puis les Caraïbes. Ils préparaient les crabes dans une sauce pimentée à base de piments et de jus de manioc appelée taumali ou taumalin. A l’arrivée des colons, ces derniers souffrent cruellement de malnutrition. Beaucoup meurent de malnutrition ne connaissant pas la nourriture locale que leur proposaient leurs hôtes Caraïbes. Ils préféraient attendre les bateaux venant de Saint-Domingue qui effectuaient l’approvisionnement en nourriture venue d’Europe dans les colonies d’Amérique.

Petit à petit cependant, face à la lenteur de l’acheminement et l’insuffisance des rations pour tous les colons implantés sur l’île, ils doivent se résoudre à s’intéresser aux plantations et cultures vivrières tropicales. Ils se rapprochent ainsi des Caraïbes pour connaître leurs techniques agricoles et leurs habitudes alimentaires. Malgré cela le crabe et son goût exotique ne plaisent guère aux colons qui lui préfèrent le poisson ou les autres crustacés tels que la langouste.

Ainsi, les esclaves consommaient tout au long du carême des crabes. Le Dimanche de Pâques, dernier jour du jeûne de 40 jours, ils se réunissaient dans la rue Cases-Nègres pour finir l’important stock sachant qu’ils pourraient à nouveau consommer toute sorte de viande. L’abondance du stock de crabes, le fait qu’ils n’étaient vus que comme une viande maigre et qu’ils ne soient consommés que par les esclaves, faisait du crabe à l’époque, un aliment ordinaire et peu réputé.

Epoque post esclavagiste

A la fin de l’esclavage, les nouveaux affranchis souhaitent rompre avec leur passé douloureux. La tradition des crabes le Dimanche de Pâques passera par là aussi. Les nouveaux affranchis veulent se rapprocher au maximum des us et coutumes des élites de l’époque, les colons qui eux tuaient coq ou le mouton pour le festin qu’ils organisaient en consommaient entre personnes du même niveau social. C’est donc le coq local ou le mouton qui se retrouvera sur les tables des nouveaux libres pour ce dernier jour du Carême. Les crabes sont relégués au Lundi de Pâques. Cette journée qui commémore la résurrection du Christ va devenir une journée fériée en 1884.

Depuis, cette tradition a été préservée. Dans une politique de valorisation du patrimoine, de l’histoire et de la culture martiniquaise, les crabes n’ont plus été perçus comme un « trop-plein » qu’il fallait finir mais comme un met de qualité qui regrouperaient toutes les familles autour de cette grande fête chrétienne. Aux crabes ont été rajoutés le riz qui pour un plat qui est devenu « matoutou ». Le mot « matoutou » remonte à la période amérindienne de la Martinique.

C’était une petite table tressée de joncs, de latanier ou d’arouman de 20 à 30 cm de haut, « de la grandeur ou un peu plus d’une cassave ». Sur cette table, les Arawaks déposaient le coui de taumalin (voir ci-dessus) et de crabe. Ce terme préservé par la mémoire collective a ensuite été attribué au met traditionnel de Pâques à base de riz et crabes.

Aujourd’hui, le matoutou à la Martinique ou le Matété à la Guadeloupe se mange aussi bien le Lundi de Pâques que celui de la Pentecôte. Plusieurs concours culinaires sont organisés (Pince d’Or, Patte d’Or, Crabe d’Or) et tendent à valoriser ce repas chargé d’histoire…

Le symbolisme du crabe dans le monde

Oui oui, je sais il faut toujours que j’apporte une petite touche de mythe que voulez vous… Il faut s’ouvrir aux autres culture du monde.

Le crabe comme de nombreux autres animaux aquatiques est lié paradoxalement aux mythes de la sécheresse et de la lune.
Dès l’Antiquité classique, le crabe est un symbole lunaire, son image était associée à celle de l’écrevisse, figurant sur la lame lune du Tarot.
La crabe est un avatar des forces vitales transcendantes, le plus souvent d’origine chthonienne* mais quelques fois ouranienne.

Le crabe rouge de Mélanésie qui révéla la magie aux hommes en est un exemple tandis que le crabe mythique du fond des océans, dont les mouvements déclenchent les tempêtes est, lui une figuration typiquement chtonienne qui apparente cet animal à tous les cosmophores (porteur de l’univers, cosmos) tels que la tortue, le crocodile, l’éléphant.

En Chine, les crabes sont la nourriture des génies de la sécheresse. Leurs croissance est liée au phases de la lune. Ils sont associés aux rites d’obtention de la pluie.
Chez les Cambodgiens, le crabe est un symbole bénéfique. En effet, rêver d’un crabe, c’est signe que tous ses désirs seront comblés.

Selon une légende Andaman (archipel d’île de l’Inde), le premier homme se noie en chassant dans une crique, il se transforme en animal aquatique et fait chavirer la barque de sa femme partie à sa recherche. Elle se noie aussi et descend le rejoindre, transformée en crabe.

Chthonienne: Dans la mythologie grecque, relatif aux divinités infernales ou telluriques, c’est-à-dire souterraines, par opposition aux divinités ouraniennes ou éoliennes, c’est-à-dire célestes.

Sources:
-People Bo Kay
-Wikipédia
-Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant


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Un ancêtre est un défunt qui a eu les rites funéraires nécessaires pour accéder à l`ancestralité. Il est comme une étoile autonome qui va agir en retour pour le bien et la prospérité de sa descendance. Mais si ses yich ka foutè fè, rien ne l`oblige à agir. Surtout si sa descendance ne le capte même plus.

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